26 juillet 2008
Charles Meunier
C'est au Québec que l'on retrouve le plus de vélos par habitant au monde. Surpris ? Pourtant, il suffit d'observer le nombre de cyclistes et de tous âges qui se lancent à l'assaut des pistes cyclables et des routes qui sillonnent la campagne québécoise. Sans oublier les rues et les trottoirs des villes qu'un nombre toujours croissant d'adeptes parcourent sur des engins aux caractéristiques techniques et aux look variant à l'infini.
C'est sur ces deux aspects fondamentaux que planchent Stéphane Lebeau et Alec Stephani. Les deux designers créent des vélos urbains, de route, de montagne et de compétition. Si bien que leurs modèles ont porté leur entreprise, Opus, dans le peloton de tête des marques de vélos recherchés conçus et assemblés, pour la plupart, à Saint-Laurent.
« Les designers québécois de vélos, aux dires d'Alec Stephani, se comptent sur les doigts d'une seule main. » Mais comme le fait remarquer Stéphane Lebeau, « cela est appelé à changer ». Pourquoi ? Parce que l'industrie du vélo n'échappe pas à la mondialisation et à la concurrence qu'elle engendre. Celle de la Chine, notamment, est féroce. On y produit annuellement plus de 70 millions de bicyclettes.
Voilà pourquoi le tandem Stephani-Lebeau considère que pour se démarquer et assurer leur rentabilité, la qualité et l'esthétisme sont les meilleurs atouts des fabricants québécois. Ils doivent, et le temps presse, se forger une réputation qui leur permettra de conserver une longueur d'avance pour offrir partout dans le monde des vélos haut de gamme qui allient art et génie, design et mécanique, tout en offrant la meilleure performance au meilleur prix.
Coiffer les Chinois au fil d'arrivée est un défi de taille. Au cours des sept dernières années, la valeur des importations chinoises au Canada pour des vélos bas de gamme a triplé. Elle est passée de 32 à 93 millions de dollars. Durant la période 2000-2004, le nombre de vélos fabriqués au Canada est passé de 740 000 à 480 000. Cela donne une idée de la taille des enjeux.
Un passé garant du présent et de l'avenir
Alec Stephani, si l'on peut dire, est tombé dedans quand il était petit. Enfant, il dessinait toutes sortes d'engins. Plus tard, alors qu'il travaillait comme directeur artistique en publicité, il s'est intéressé, en autodidacte, aux véhicules sans moteur.
« J'ai participé, raconte-t-il, à plusieurs projets comme celui d'un sous-marin à propulsion humaine en collaboration avec l'École de technologie supérieure. Il va sans dire que lorsque l'on m'a proposé de dessiner des vélos, j'ai sauté sur l'occasion. »
Son collègue, Stéphane Lebeau détient une maîtrise en éducation physique et il est un fervent adepte du vélo de compétition. Depuis l'an dernier, il est champion du monde sur piste dans la catégorie des maîtres, titre obtenu en Australie. Tout récemment, il s'est mérité le titre de champion canadien contre-la-montre.
Il y a neuf ans, David Bowman, le grand patron de Outdoor Gear Canada qui produit la marque Opus, a demandé à Stéphane LeBeau d'écrire un article sur l'entraînement en vélo. Le texte a dû plaire puisqu'il a été engagé comme chef de projet. « Et quand en 2000, relate-t-il, l'idée de dessiner et de concevoir des vélos s'est concrétisée, j'ai été très heureux de faire partie de l'équipe. »
Comment expliquer que l'entreprise de fabrication de vélospour laquelle Alec et Stéphane travaillent mette autant l'accent sur le design ? Elle tire son origine de l'approche consommateur qu'elle privilégie. Alec Stephani explique : « Trois critères guident le designer et orientent le choix du consommateur lors de l'achat d'un vélo : l'allure, le poids et le prix. »
L'acheteur potentiel doit être séduit au premier coup d'oeil. « Nous vivons à une époque où le look revêt une grande importance. À qualité égale, on choisira le produit le plus attrayant. Voilà pourquoi, nous misons beaucoup sur l'esthétisme. » Ce qui ne veut pas dire que l'on néglige pour autant la qualité du châssis et des composantes mécaniques comme les roulements à billes, les dérailleurs, les matériaux comme le carbone ou le titane du cadre. Bien au contraire.
I1 existe de par le monde plusieurs concepteurs et fabricants de composantes mécaniques de très haute qualité. Inutile donc de réinventer la roue. « Si nous devions, de dire Alec Stephani, sourire en coin, mettre en marché un vélo "maison", on risquerait de passer à côté de notre client cible. Nous préférons utiliser des composantes provenant de Shimano ou de Campagnolo. Ce sont de grandes marques dont la réputation n'est plus à faire. »
Pour Stéphane LeBeau leur rôle de designer de vélos est clair. « Premièrement, dit-il, nous concevons des vélos avec des cadres et des fourches qui assurent la conduite que le cycliste recherche. Tout bon vélo qu'il soit destiné à la course ou à la ballade doit être à la fois stable et nerveux. Il doit aussi être performant quel que soit son usage. Notre seconde considération toujours en lien avec l'esthétisme c'est le poids. »
Et Alec Stephani de renchérir : « On ne fait pas que rouler avec un vélo, il faut aussi le transporter. Sans oublier qu'un vélo léger facilite les accélérations et les remontées. »
Leur recherche esthétique se fait dans les couleurs, le fini, les décalques et les textures qui sortent de l'ordinaire. L'entreprise vend aujourd'hui 25 fois plus de vélos qu'en 2000.
Designer de vélos : un parcours sinueux ?
Comment devient-on designer de vélos ? Alec et Stéphane n'en démordent pas. Pour devenir designer de vélo, il faut, au premier chef, être adepte de la bécane. C'est leur cas. Le vélo est le moyen de transport qu'ils utilisent quotidiennement pour se rendre au travail. Beau temps mauvais temps, ils testent leurs engins pour mieux connaître les besoins des cyclistes. Alec chevauche des vélos de ville. Stéphane, qui parcourt chaque année plus de 7000 kilomètres à des fins d'entraînement et de déplacement en ville, enfourche son Vivace dont il se sert aussi pour la compétition.
Pour Alec, l'amour du vélo ne suffit pas. « Pour faire ce métier, souligne-t-il, il faut être polyvalent, faire preuve de créativité, savoir s'adapter très vite aux changements, aux besoins des consommateurs et aux tendances du marché. »
Stéphane cite le parcours de Hugues Lapointe qui tout récemment à joint l'équipe. « Il est passé par l'école de design de l'Université de Montréal. Puis, il est venu en stage chez Opus. Nous l'avons gardé. On lui a confié le développement d'une nouvelle ligne de vélos pour enfants et la responsabilité de réaliser le catalogue de nos produits. Preuve que pour réussir dans ce métier la multidisciplinarité joue un rôle de premier plan. »
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